Echec

Parfois je ne t’emmène nulle part. J’échoue à te faire trouver le chemin. A trop me promener moi-même tête baisser je me suis perdu et tout n’a plus aucun sens. Pourtant je vois encore les brides de réflexions. Un début. Une fin. Et quelque part au milieu, la dilution.
Je prends un fait divers ; quelque chose d’amusant. La SNCF qui justifie le retard des trains par l’accumulation des feuilles d’automne sur les voies. Le 20minutes y accorde une double page. C’est vrai que c’est follement important tout ça. J’y réfléchis à ce sujet, je développe mes idées, et pourtant je virevolte sur un coup de tête. Sur une ligne. «Deux éthiopiennes ont été arrêté ce mardi à l’aéroport d’Amsterdam en tentant de faire passer 400 000 euro caché dans leur corps ». Une sorte de rapport pur de l’exploitation du corps par l’argent au pays de la prostitution. Je ne résiste pas et fonce. Je travaille sur la prostitution et l’art. Toutes ces peintures de prostitués aux regards froids, ces femmes nues, allongées, qui ne se cachent pas et qui vous toisent presque avec violence, ni fières, ni soumises. D’Olympe aux demoiselles d’Avignon. Je m’attaque aux photos. Photos reportages. Photos documentaires. Atget. Elles non plus ne se cachent. Elles n’ont pas non plus un sourire. Je trouve un manifeste sur la relation artistes-prostituées. J’avale des heures d’images à deux heure du matin. Puis je me décide pour les miennes. Je n’ai pas de  portiques de sécurité à deux heure du matin. Mais ce n’est pas très important je n’ai besoin que d’une silhouette qui évoque cette porte. Je  ne veux que des silhouettes qui se découpent de ce portique. Je veux des silhouettes de femmes, impersonnelles, reconnaissable (on se fiche de l’identité d’une prostituée), quelque chose d’aguicheur dans leur posture. Mais après quelques instants, elles se révèlent être dans des poses qui n’ont rien à voir. Des positions d’arrestation, les mains dans le dos, les mains jointes au-dessus de la tête, de dos. Finalement je projette ces photos dans la Vitrine, où je voudrais rappeler le quartier rouge d’Amsterdam.
Finalement mes idées, même si elles existent, elles ne ressortent en rien dans mes photos. Pour m’achever, moi, marionnette aux deux heures de sommeil qui ne tient que par ses fils, un argument de taille : mes photos au final auraient pu être prises par un garçon pour faire entrer sa petite amie sur son blog.

Le pire dans tout ça c’est que c’est vrai. Mes photos ne sont pas d’une esthétique folle, et ne parlent pas d’elles même. Visiblement même si je parle pour elles, elles, restent muettes.

I'm fine. Ou le mensonge conventionnel

           Ça commence avec une simple question matinale. Ça va ? Et répété mille fois par jour ça finit par cette série d’affiches. « Bonjour, ça va ? » est une norme sociale, quelque chose qu’on dit tous parce que c’est ce qu’il faut dire. Parce qu’on vous regardera mal si vous ne le dites pas. Mais en toute honnêteté, qui s’intéresse à ce qu’on nous répond. 

La moyenne que j’ai établie après avoir enregistré plus d’une centaine de réponses veut que 81 % des gens interrogés répondent automatiquement « oui » et 19% « non ». Le découpage de ces réponses permet de voir qu’il y a très peu de réponses originales. Pour les « oui », on peut les répartir ainsi :

Les « non » pourraient se relèveraient presque intéressante (si on retire les 67% de « non, j’ai mal dormi ») si dès qu’on obtenait un semblant de vérité (traduit généralement par « non, j’ai des problèmes chez moi, avec mes parents, avec ma copine ») les gens ne s’arrêtaient pas immédiatement après. Parce qu’on vous regardera mal si vous ne le faite pas. Le terme de mensonge conventionnel prend ici tout son sens. Mentir, c’est mal. Mais on s’enfiche si c’est pour laisser les autres en paix avec leurs propres problèmes.

J’ai cherché dans l’esthétique de l’affiche publicitaire, de l’affiche de prévention, voir limite du t-shirt fashion, et de l’artiste sur qui est basé ce travail (à savoir John Giorno) je retiens essentiellement une idée : opposition entre texte et image. Pour le visuel de mon projet j’ai donc tapé d’abord et avant tout le selfie : je te montre comme je m’amuse bien justement parce que je m’ennuie et que j’ai du temps à tuer. Des photos donc de personnes tout sourire ou bouche en cœur, rehaussé des troubles qui touchent chacun d’entre eux. Boulimie mentale, anxiété, anorexie mentale, bipolarité, hyperactivité. Puis j’inverse. Le texte, les mots rassure sur un état plus que douteux, automutilation, transsexualité.

Une autre chose que je souhaitais soulever par ce travail, c’est un problème porté essentiellement par les réseaux sociaux en ce moment, essentiellement sur twitter et tumblr. La banalisation des troubles mentaux. Certes de nombreux groupes de soutien aux personnes en guérison se sont créés sur la toile, mais plus nombreux sont les blogs qui rendent « cool » la bipolarité. A mes yeux le pire de tout reste le phénomène Thinspiration (Thinspo pour les intimes). Majoritairement des filles de 14 à 22 ans qui se soutiennent H24 dans des modes de régimes frôlant les mouvements pro-ana (pro-anorexie), où on trouve photos, repas, soutient, poids, au fond des modes très réfléchis et très efficaces pour perdre beaucoup trop de poids.


Pour vraiment travailler ce sujet, je devrais sans doute emmener ce projet plus loin, sur la toile sans doute, pour batailler directement avec les lionnes du net.